Camille: Je veux aimer, mais je ne veux pas souffrir; je veux aimer d’un amour éternel, et faire des serments qui ne se violent pas. [...][...] Perdican: Tu as dix-huit ans et tu ne crois pas à l’amour? Perdican: Pauvre enfant, je te laisse dire, et j’ai bien envie de te répondre un mot. [...] Tu dis qu’elle a été trompée, qu’elle a trompé elle-même, et qu’elle est désespérée. Es-tu sûre que si son mari ou son amant revenait lui tendre la main à travers la grille du parloir, elle ne lui tendrait pas la sienne? [...] Es-tu sûre que si son mari ou son amant revenait lui dire de souffrir encore, elle répondrait non? Camille: Je le crois. Perdican: [...] Ô mon enfant! sais-tu les rêves de ces femmes qui te disent de ne pas rêver? [...] Elles qui s’assoient près de toi avec leurs têtes branlantes pour verser dans ton oreille leur vieillesse flétrie, elles qui sonnent dans les ruines de ta jeunesse le tocsin de leur désespoir, et qui font sentir à ton sang vermeil la fraîcheur de leur tombe, sais-tu qui elles sont? Camille: Vous me faites peur; la colère vous prend aussi. Perdican: [...] Tous les hommes sont menteurs, inconstants, faux, bavards, hypocrites, orgueilleux ou lâches, méprisables et sensuels; toutes les femmes sont perfides, artificieuses, vaniteuses, curieuses et dépravées; [...]; mais il y a au monde une chose sainte et sublime, c’est l’union de ces deux êtres si imparfaits et si affreux. On est souvent trompé en amour, souvent blessé et souvent malheureux; mais on aime, et quand on est sur le bord de sa tombe, on se retourne pour regarder en arrière, et on se dit: j’ai souffert souvent, je me suis trompé quelquefois, mais j’ai aimé. C’est moi qui ai vécu, et non pas l’être factice créé par mon orgueil et mon ennui. (”On ne badine pas avec l’amour”, Alfred de Musset, Acte II Scène 5) .

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