Le programme intensif de I.O. Lovaas pour les jeunes enfants autistiques Par Sylvie Donais, B. Sp. Ps. et Nathalie Poirier, B. Sp. Ps. Le présent document s'adresse aux parents ayant un enfant autiste ou présentant un trouble envahissant du développement, un trouble du langage (audimutité) ou une déficience intellectuelle. Il s'adresse également aux professionnels travaillant auprès de ces clientèles. Le programme intensif de I. O. Lovaas pour les jeunes enfants autistiques est ici présenté. Dans un premier temps l'origine du programme est expliquée. Puis, les premières recherches que Lovaas a effectué auprès d'enfants autistiques sont décrites. Le programme intensif est ensuite introduit; à l'intérieur de celui-ci sont expliqués les objectifs éducatifs ainsi que les techniques d'intervention. Les résultats à long terme et le suivi sont présentés. La conclusion s'adresse particulièrement aux parents qui veulent appliquer le programme de Lovaas auprès de leur enfant. Les origines du programme Ivar Lovaas termine ses études de doctorat en psychologie à l'Université de Washington (Lovass, 1970). Sa formation est représentative des modèles en vogue en psychologie au milieu de ce siècle. La psychologie est encore basée largement sur l'approche psychanalytique, mais les recherches en psychologie expérimentale augmentent. Lovaas suit une formation en recherche et en clinique. Il effectue des études en laboratoire où il apprend à appliquer le modèle scientifique. Dans sa formation clinique, le modèle psychanalytique lui est enseigné. Dès le début des années soixante, il effectue des recherches au Département de Psychologie de l'Université de Los Angeles en Californie sur le traitement d'enfants ayant un trouble envahissant du développement et en particulier, un trouble autistique (Lovaas, 1970; Lovaas, 1987; Lovaas, Freitas, Nelson, et Whalen, 1967; Lovaas, Koegel, Simmons et Long, 1973). Ses trente années d'études sont influencées par sa formation de chercheur favorisant une démarche scientifique. Les recherches débutent en 1961 lorsqu'il veut étudier les effets du langage sur le développement moteur de l'enfant (Lovaas, 1970). Lovaas et son équipe cherchent de jeunes enfants dont le développement moteur est approprié à leur âge, qui n'ont pas encore acquis la parole. Lovaas rencontre alors des enfants qui portent un diagnostic de schizophrénie ou de psychose infantile: ils ne parlent pas, s'isolent et présentent des comportements d'automutilation. Dés 1962, Lovaas et ses collaborateurs entreprennent deux années d'études exploratoires auprès d'une adolescente autistique de treize ans qui présente des comportements d'automutilations et un langage écholalie. L'enfant vit dans un établissement hospitalier où elle reçoit un traitement basé sur l'approche psychanalytique qui n'a pas réduit la fréquence des symptômes psychotiques. Lovaas constate qu'aucune étude objective n'est effectuée pour vérifier l'efficacité du traitement. Il entreprend donc de mesurer les comportements de l'adolescente par l'observation systématique, ce qui permet de vérifier l'efficacité des techniques qu'il applique avec son équipe. Premièrement, Lovaas, Freitag, Gold et Kassorla (1965) observent que l'enfant apprend à lire des mots lorsqu'elle reçoit en conséquence des renforçateurs alimentaires plutôt que sociaux. le plus, ils notent que lorsqu'elle est placée devant une demande, l'intensité des comportements d'automutilation et la fréquence des comportements bizarres augmente. C'est alors qu'ils appliquent le traitement psychanalytique. soit, porter attention à l'enfant en contingence à ses comportements d'automutilations. Ils observent que la fréquence de ce comportement augmente à chaque fois qu'un intervenant lui porte attention. Lovaas conclue donc que ce traitement est néfaste pour le bien-être physique de l'enfant. Dans le but d'identifier une technique qui permet de réduire la fréquence des comportements autodestructeurs, une technique qui découle des travaux de Skinner (1959) et de Fester et DeMyer (1961) est appliquée: ignorer les comportements d'automutilation. Une réduction de ceux-çi est alors observée. Après quelques mois, le sujet répond aux demandes des intervenants sans présenter d'automutilation et apprend à lire jusqu'à 50 mots. Les résultats de cette étude indiquent que deux techniques permettent de réduire la fréquence des automutilations et d'augmenter la fréquence de comportements alternatifs et socialement adaptés du sujet: ignorer l'automutilation et récompenser avec de la nourriture la lecture de mots .Lovaas poursuit ses recherches avec une approche expérimentale et son traitement s'oriente rapidement vers l'application des principes du conditionnement opérant développés par Skinner lors de ses recherches en laboratoire sur des animaux (Skinner. 1957). Les premières recherches sur le traitement (1965-1972) A partir de l'année 1965, Lovaas entreprend des études sur une durée de sept ans dans le but d'identifier des variables reliées à l'efficacité du traitement de l'autisme (Lovaas, Koegel, Simmons & Long, 1973). Un schème expérimental à niveau de base multiple en fonction des sujets est utilisé. De plus, un modèle ABA et ABABA est appliqué auprès de certains su jets. Ces protocoles permettent de vérifier l'effet du traitement en effectuant des analyses intersujets et intrasujets. Les sujets Vingt enfants d'âge scolaire participent à l'étude. Un diagnostic d'autisme est effectué par une équipe extérieure à celle de UCLA. Les sujets ont suivi antérieurement une thérapie psychanalytique intensive d'une durée d'un à quatre ans qui n'a pas permis de réduire de façon significative les comportements autistiques. Sept sujets sont placés dans un centre de réadaptation dont trois ont des contacts avec leur famille, alors que les treize autres vivent dans leur famille. Le traitement Le traitement a lieu à UCLA. Les sept sujets qui vivent en milieu hospitalier y reçoivent un traitement 8 heures par jour pendant 6 à 7 jours par semaine par le personnel entraîné par Lovaas. Les parents de quatre de ces enfants sont entraînés. Pour les treize autres sujets, le traitement est un entraînement de parents qui a lieu trois heures par semaine afin qu'ils l'appliquent eux-mêmes à domicile. Le développement des programmes d'intervention est constamment évalué afin de vérifier leur efficacité et de les modifier au besoin. La durée du traitement varie entre six mois et deux ans. Les premiers objectifs visent la diminution de comportements inadéquats et l'acquisition de comportements d'attention à l'enseignant dans le but de le rendre disponible aux apprentissages. Les premières activités d'apprentissage mettent l'emphase sur la réponse à des consignes simples telles que "assis-toi", "debout", "viens ici" et "regarde-moi" afin de réduire la fréquence des comportements d'autostimulation , d'automutilation et de non-réponse aux demandes. Les programmes éducatifs visent l'acquisition de la parole, qui constitue 80% des objectifs d'intervention: (a) imitation verbale, (b) identification d'objets significatifs, (c) développement de concepts plus abstraits, tels que les couleurs, les prépositions ou les verbes. De plus, des habiletés sociales et d'autonomie sont enseignées: faire une caresse, remercier, jouer avec les autres, s'habiller ou manger proprement. Enfin, le but du traitement consiste à lui enseigner des comportements d'un enfant normal en renforçant ses comportements ses comportements adéquats et en punissant ses conduites inadéquates. L'enfant doit apprendre à approcher ses parents lorsqu'ils lui démontrent de l'affection et de l'approbation et à les craindre lorsqu'ils le punisse. Les techniques d'intervention sont le renforcement de comportements appropriés, l'ignorance ou la punition de comportements inadéquats, le façonnement, l'incitation physique ou verbale et l'estompage de l'incitation (traduction de "prompt" ). Au début du traitement, le renforcement est possible grâce à la combinaison de stimuli alimentaires et sociaux qui permet à l'enfant d'acquérir un répertoire de comportements appropriés. Cette combinaison de stimuli de renforcement est choisie dans un premier but d'amener l'enfant à porter attention à son entourage. Lorsque cette étape est franchie, l'utilisation d'agents de renforcement alimentaires est graduellement estompée et seuls les renforcements sociaux sont utilisés. Cet estompage permet aux stimuli sociaux d'acquérir la propriété de contrôler les comportements de l'enfant et favorise la généralisation des apprentissages. La punition est utilisée en contingence à des comportements d'auto-stimulation et d'automutilation qui interfèrent avec les apprentissages et comprend une réprimande verbale (dire "non" fermement), l'isolement et une tape sur les cuisses de l'enfant. Les mesures Les mesures ne sont pas obtenues pour les vingt sujets. Au début de la recherche, les auteurs n'ont pas juge utile de prendre des mesures comportementales pour sept des sujets vivant dans leur famille, puisqu'ils avaient peu de contrôle au niveau du traitement appliqué par les parents. De plus, puisque la généralisation des acquis et le suivi à long-terme n'ont pas été considérés au début, les mesures intellectuelles et sociales sont effectuées auprès de 13 sujets. Ainsi, les données présentées portent sur 13 sujets qui sont classés en quatre groupe. Les deux premiers comprennent sept sujets qui vivent en milieu hospitalier et y reçoivent un traitement 8 heures par jour pendant 6 à 7 jours par semaine par le personnel entraîné par Lovaas. Seuls les parents du deuxième groupe sont entraînés. Les deux autres groupes comprennent six sujets qui vivent dans leur famille. Les parents sont entraînés à UCLA à raison de trois heures par semaine afin qu'ils appliquent eux-mêmes le traitement à domicile. Plusieurs mesures sont effectuées afin de vérifier l'efficacité du traitement selon trois variables, la généralisation du stimulus, la généralisation de la réponse et la durée des gains avec le temps. La fréquence et la durée de deux catégories de comportements sont observées: les comportements non-appropriés comprenant l'auto-stimulation et l'écholalie; et les comportements adéquats comprenant le langage approprié, les comportements sociaux non-verbaux (i.e. l'imitation, la réponse à une demande) et le jeu approprié. Finalement, le quotient intellectuel et le niveau de comportements adaptatifs sont mesurés. Deux suivis post-traitement sont effectués, soit immédiatement après le traitement (suivi 1) et entre une et quatre années après la fin du traitement(suivi 2). Les données du premier suivi sont tout d'abord présentées. Premièrement, la fréquence des comportements non-appropriés diminue: l'auto-stimulation passe de 23% à 10% du temps et l'écholalie de 5% à 2% du temps. Deuxièmement. les comportements adaptés augmentent. La fréquence moyenne du langage approprié passe de 2% à 8%, les comportements sociaux non-verbaux vont de 4% à 10% et le jeu approprié augmente de 22% à 45%. Sur le plan des autres mesures, soit les quotients intellectuels et les niveaux de comportements adaptatifs. les sujets présentent une augmentation de leur performance. Le quotient intellectuel est mesuré chez dix-neuf sujets. Quatorze sujets ne répondent pas à l'examinateur avant le traitement. Lors du suivi, ils collaborent et obtiennent des Q.I. qui les situent entre 30 et 75. Un dernier sujet passe d'un Q.I. de 80 à 100. Les mesures effectuées lors du deuxième suivi sont représentées au tableau 1. Les sujets sont répartis en deux groupes: (a) les sujets qui retournent en établissement spécialisé avec des intervenants non entraînés et (b) ceux qui vivent avec leur parents entraînés. Les résultats des deux suivis sont comparés. Il apparaît que le premier groupe présente une augmentation de 45 % pour l'autostimulation et de 5% pour l'écholalie. De plus, une diminution des comportements appropriés est notée au niveau des comportements sociaux non-verbaux et du jeu, soit de 10% et de 20%. Toutefois, les acquisitions au niveau verbal se maintiennent. D'autre part, les enfants du deuxième groupe maintiennent leurs gains au niveau des cinq comportements. Tableau l Fréquence des comportements appropriés et non appropriés pour deux groupes d'enfants Comp. observés Intervenants non entraînés Parents entraînés Suivi 1 Suivi 2 Résultats Suivi 1 Suivi 2 Résultats Autostimulation 0,08 0,55 >0,45 0,12 0,10 0,05 0,05 0,02 .

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